mercredi 6 novembre 2013

Notes sur la science à partir d'Enquête sur les créationnismes, de Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau


Le livre éclaire, non pas sur le créationnisme comme on serait tenté de le penser, mais sur LES créationnismeS à travers une approche de style journalistique qui fait intervenir par des entrevues différentes personnes spécialistes de leurs sujets. Les auteurs toutefois ne sont pas journalistes, mais « respectivement ingénieur en physique et docteur en biologie ».
Le livre est éclairant sur le sujet, et apporte pas mal d’éléments, cependant l’aspect journalistique donne aussi beaucoup de détails inutiles a une lecture argumentative (c’est-à-dire principalement intéressée par de l’argumentation, des choses a opposer. Et je le précise, inutile de ce point de vue, ne signifie pas faux, ni inutile d’autres point de vues) et qui aurait pu être mis dans cette perspective en note de bas de page, au lieu de figurer en plein texte.
Le travail fait et reporté est motivant et éveille a de nombreuses discussion, notamment a cause de certains discours d’intervenants que les auteurs reportent, sans questionner quand ils concernent un sujet, dont on peu légitimement pensé qu’ils le maîtrisent moins (notamment l’entrevue avec Guillaume Lecointre qui relève de la philosophie des sciences, ou celle avec Pascal Charbonnat). Si on me disaient des choses sur la biologie, je serai bien incapable de les interroger, et Lecointre n’est pas non plus « le premier venue » (il est l’auteur notamment du Guide critique de l’évolution [beau mais chers]), on peu donc penser qu’il est légitime de boire ses paroles.
Je propose donc, un petite critique de la philosophie des sciences présenté dans le livre. Je renvois les lecteurs au livre pour l’intéressante cartographie qu’il met au point sur les créationnismes. J’ai noté plein d’autres choses sur les bords des pages, mais rien qui puisse faire bloc, juste des remarques éparses ici et là.

Lecointre présente ce qui est pour lui 4 piliers « qui conditionnent la possibilité de faire des expériences scientifiques », seulement ces 4 piliers rassemblent en fait des choses qui pourraient être largement discuter et distinguer.
D’abord « 1. Le scepticisme initial sur les faits » relève d’une attitude, d’un comportement, proche des questions que l’on se pose dans certaines approche sur la « vertu » du scientifique. Il faut savoir que d’autres approches proposé par exemple « l’honnêteté » du scientifique, etc... En général ses approches sont critiquées parce qu’elles fonts intervenir de la morale, la ou certain-e-s pensent qu’ils n’y en pas, ou ne devraient pas y en avoir. Je pense pour ma part, qu’il y en a toujours de toute façon, et que ça ne coûte rien de préférer l’honnêteté à la malhonnêteté. Reste la question de la pratique... Or ce n’est pas si facile d’abandonner une théorie, un travail que l’on a mis au point, même s’il s’avère qu’effectivement on s’est trompé. D’ailleurs Richard Dawkins dans « Pour en finir avec Dieu », relève un exemple d’un de ses professeurs qui a été applaudi quand il a recconu qu’il s’est trompé, en public, depuis des années... On peu penser aussi a l’analyse de Khun sur les paradigmes. Mais aussi, et plus simplement, au comportements de chacun-e en général.
« 2. La rationalité » par ce terme fourre-tout Lecointre fait référence au seul « principe d’économie d’hypothèse (parcimonie) ». Il est vrai que la parcimonie est utile, et permet d’évacuer des hypothèses qui font intervenir des choses peu probable. Cependant il a aussi des défauts et surtout il ne doit pas être pris isolément. Les défauts c’est que la « simplicité » comme on l’appelle parfois est en fait ambigu. On peu trouver plus « simple » de résoudre tous les problèmes par « Dieu », après tout, pourquoi s’embêter a faire des expériences compliquer, si notre seule subjectivité suffit ? Etc... Et il existe aussi d’autres critère de rationalité, qui relève bien souvent en fait d’ambiguité de ce que l’on entend par « vérité ». La simplicité fait parti de ces critères, mais on peu en relever d’autres, comme les analyses Anastasios Brenner dans « Raison scientifique et valeurs humaines ; Essai sur les critères du choix objectif » : la cohérence, l’exactitude, la fonctionnalité (pragmatisme), la fécondité (cela permet de prévoir beaucoup de chose), l’amplitude (explique beaucoup d’autres choses). Il faut noter que ces critères viennent en général ensemble, dans ordre différent et que certains s’opposent les uns aux autres (par ex. simplicité et exactitude font rarement bon ménage).
« 3. Le réalisme de principe », relève carrément du présupposé métaphysique, évidemment on a beau jeu d’opposer un « réalisme » qui « suppose […] que le monde réel existe indépendamment de lui » (le scientifique) à un « idéalisme » qui supposerai que la réalité est hors du monde sensible et qu’il faut tendre vers elle. Et pourtant derrière ces présupposés ce cache un enjeu majeur sur ce qui est reconnu ou pas comme science. Souvent l’approche dite « matérialiste » est en fait un physicisme, sa science idéale est la physique telle qu’elle s’est élaboré au début du siècle, on observe d’ailleurs quelque réticence parfois avec les physiques possible par mathématique plutôt que par instruments. Cette vision des sciences rejettent en général justement les mathématique de la science. Car justement l’autre approche plutôt « idéaliste » est en fait souvent un « mathématisme », et va considérer que la vrai science c’est les mathématiques avec la perfection et la cohérence qu’ils permettent. Pour ma part, j’aime bien rappeler une autre proposition qui est celle du conventionnalisme de Poincaré, dont on trouve une présentation dans « La science et l’hypothèse », il s’agit non pas de rejeter toute expérience en disant que seule vaux des « conventions » et qu’après tout, elles sont toutes interchangeable comme pourrait le faire croire une sorte de constructionnisme social, mais que la science est faite de conventions (dont la possibilité d’une expérience fait parti). Ces conventions ne sont pas arbitraire, mais l’objet de discussions entre chercheuses et chercheurs, et permettent de faire « science » avec plus ou moins d’expériences. On demandera à la physique plus d’expériences, qu’aux mathématiques ou les conventions attendues seront différentes. Cela permet aussi de ré-introduire des sciences comme l’Histoire, dont tout le monde admettra qu’il est difficile d’y reproduire une expérience, mais dont les travaux relèvent pourtant bien souvent d’un travail sérieux, tout comme il en existe en sociologie ou psychologie. Évidemment ces domaines sont plus sujets a des débats ou les enjeux politiques ne sont pas nuls, mais d’une part les autres sciences aussi (l’évolution fait les frais des créationnistes, tout comme la cosmologie, sans parler des énergéticiens qui ont vu débarqué les conspirations autour d’une énergie du vide, ou je-ne-sais-quoi-encore que l’on nous cacherai pour faire plus de profits. Comme si les outils dans les mains du patronat n’étaient pas déjà suffisant en eux même pour exploiter le précariat (prolétariat élargie par la convention des crises économiques)) et d’autres part un débat peut se résoudre d’autant plus facilement qu’on a conscience des aspects conventionnels (pour avoir assister a des cours d’esprits critique destinés aux étudiants d’université des sciences a Montpellier, malgré leur formations, ils sont complètement sujets à des croyances diverses relevant du paranormal).
« 4. Le matérialisme méthodologique », cette dernière proposition, revient plus simplement à poser des limites au savoir rigoureux que nous pouvons mettre au point. Lecointre dit qu’on ne peu examiné que le matériel, il aurait aussi pu dire qu’on ne peu pas prouver que quelque chose n’existe pas (et que c’est donc a ceux qui prétendent que quelque chose existe, de le prouver).

Ensuite Lecointre propose que « l’exigence de reproductibilité des résultats agira comme un filtre » contre les pressions sociales, économiques et politiques. Qu’en gros la vérité vaincra grâce a la méthode scientifique. C’est méconnaître les capacité des groupes de pressions et leurs moyens. L’amiante par exemple, et d’autres produits, ont été commercialisés tel quel pendant des années, avant que l’on se décident a reconnaître le problème, et pourtant la méthode était bien la. Mais pendant ce temps nous sommes du gibier pour les chasseurs de profits. Et la méthode scientifique n’ a pas a elle seule diminuer le nombre de victime. Pendant que ce travail nécessaire ce met en place, la population subit les conséquences des matériaux et autres découvertes tout a fait scientifique elle aussi, mais dont les industriels ont décidés de ne pas publier des études (sur le tabac par exemple), avançant tout a fait légitimement grâce au libéralisme, le « secret industriel » contre la santé de la population. L’État d’ailleurs n’est pas de reste sur ces pratiques, puisqu’il dispose lui du « secret d’État » quand il fait transité les convois nucléaire a travers la France sur des routes ou chemins de fer.
On est donc loin de la prétendue « véritable autonomie des sciences dans leurs méthodes et dans leur résultats (répétons que les applications des sciences ne sont pas concernées ici) » laissant leur « pleines prérogatives morales et politiques à l’arènes des citoyens ». Les sciences sont biaisées par les financements qui les permettent, par les moyens permis, par les sujets retenus qui font intérêt vis a vis d’un contexte etc. Attention, cela ne signifie pas qu’elles sont fausses. Mais bien qu’elles sont pré-orientées. Quand je propose une science avec d’autres outils et objectifs ce n’est pas pour dire que l’autre science est fausse, comme l’aurait fait la science prolétarienne et le lyssenkisme. C’est plutôt comme quand vous êtes en France et qu’au lieu d’écouter Météo France, vous écoutiez la météo du canada, ou comme si vous écoutiez le trafic routier du Canada, alors que vous êtes en France. Es-ce que la météo du canada raconte des mensonges ? Probablement pas plus que Météo France. Seulement il y a des informations utiles pour la vie quotidienne en France et d’autres pour celles du Canada. Allons plus loin. Vous savez qu’il existe la possibilité pour des agriculteurs d’avoir une connaissance météo plus spécifiques, plus adapté à leur activité ? Il s’agit dans les sciences de faire une équivalence. Connaître le trafic routier c’est intéressant, mais si vous êtes cycliste ça ne vous sert pas de la même manière.
Aujourd’hui on en est un peu la parfois en science, au lieu de se demander comment résoudre une question pratique spéciale (je n’oppose pas la pratique pour bénir la fondamentale) on se demande quelle savoir, ou que pourrait-on faire avec cette technique (au hasard, les nanotechnologies). Du coup on produit un savoir non pas universel, mais complètement contingent. Contingent de ceux qui ont ces techniques, de ceux qui peuvent y accéder, s’en servir etc. Alors, comment résoudre cette ambivalence entre une science qui se prétend universelle, mais qui en réalité est contingente ? Il est possible de chercher a penser une science universelle dans un noyau méthodologique (et encore, les moyens mis en œuvre tout comme le savoir serait contingent), mais dont les résultats pratiques, eux, soit reconnues comme forcément contingents. Peut-être un peu comme l’on fait de la géographie. On croit être libre et universel sur le résultat parce qu’on ignore que les moyens qui y mènent sont contingent (certaines sciences, comme, l’ethno-écologie et toutes les recherches sur les savoirs locaux sont en avance sur ces problèmes). Ces sciences situationnelles peuvent toutefois parfois paraître universelle dans le cas ou le sujet lui même est identique. Les positions actuelles en science sont à l’opposé, dans les faits on a eu une nationalisation des scientifiques, puis des sciences, comme le rapporte Dominique Pestre dans « Science, argent et politique ; un essai d’interprétation » et les enjeux économiques font jouer la concurrence. Une tendance plutôt de gauche, veux ignorer cette réalité, et prétend a une science internationale, une sorte de Parti Communiste de la science, un centralisme scientifique qui s’impose a toute les situations sous couvert de neutralité et de bien du peuple (pour grossir les traits). On retrouve cette illusion a travers un exemple que les auteurs reprennent à un entretient avec Pascal Charbonnat.
Cet agent est essentiel dans l’approche de nos deux auteurs car il va justifier une science qui se détache de la religion, et qui serait « amorale » (ce qui est faux, on la vu, car dans les piliers proposé par Lecointre, une vertu, a minima est exigée). Cette position est présenté comme « abstinence métaphysique » (une fois de plus, antérieurement, j’ai indiqué qu’au contraire, il y avait un présupposé métaphysique, on y échappe pas). Quand elle est énoncée, on a l’impression que c’est juste les scientifiques d’une époque qui ont pris une décision dans leurs cerveaux respectifs revenant à dire au XV ième siècle, que l’on avait pas besoin de Dieu. Cette position revient un peu a promouvoir la liberté d’expression sans les moyens qui permettent de l’exercer et alors que des pouvoirs enjeu vont bien vous rappeler le contraire (a maxima en vous brûlant, a minima en faisant en sorte qu’on puisse pas vous entendre, non par censure, mais en recouvrant complètement votre paroles par d’autres faits, tout aussi vrai, mais qui participe a une autre histoire, que celle que vous voulez raconter). La ou Charbonnat dit que des scientifiques « choisissent de s’abstenir », faisant croire que grosso-modo, passer d’un camps a l’autre relève d’une décision mentale, Dominique Pestre rappelle les enjeux matériel : certains pouvait choisir plutôt que d’autres. « Le fait, nous le savons, que Galilée ait successivement « travaillé » dans le cadre de l’université et à la cour du grand duc de Toscane n’est pas sans importance pour les types de production intellectuelle qui furent les siens. Nous savons que son appartenance à la cour des Medicis puis à la cour pontificale, la protection que celles-ci lui ont accordée, l’indépendance qu’elles lui ont permis de gagner par rapport aux universités et aux jésuites, lui ont ouvert la possibilité d’une autre pratique de la philosophie naturelle, et l’ont autorisé à tenir publiquement d’autres énoncés. Parce qu’il s’appuie alors sur des sociabilités puissantes, parce qu’il met de son côté un autre réseau de pouvoir que celui constitué par ses anciens collègues, il peut rendre audible et légitime une nouvelle manière de défnir « le métier » de philosophie […]. Son insertion dans le monde de la cour et sa capacité à l’intéresser et la mobiliser permettent de comprendre son succès, de relire son ascension rapide, celle de ses manières de faire et de ses résultats, mais aussi sa chute, tout aussi dramatique, et son procès. »

Un dernier mot rapidement, une opposition actuelle fait jouer en science un « objectivisme », contre un « nihilisme ». Ou l’objectivisme serait neutre, alors que le méchant nihilisme se permettrait n’importe quoi. Pour moi ces deux positions sont des idéalismes. L’objectivisme ignore souvent ses conditions de productions et quand ils en parlent, soit c’est pour dire qu’il n’en parlerons pas, comme si on pouvait détacher l’un de l’autre, soit pour dire que cela impacte peu le résultat toujours vrai (on la vu, le problème en fait, n’est évidemment pas dans la vérité, mais dans la perspective que cela ouvre). On a beau jeu alors de rejeter un nihilisme, parfois renomé relativisme, ou constructionnisme social. Ce dernier existe, par ailleurs, et montre bien les difficultés qu’il y a, à établir des critères net sur ce qui fait science dans certains domaines, et l’esbroufe dont certain-e-s tirent profit. Mais surtout, cette opposition évite de questionner d’autres problèmes.