Conférence internationale de Rio sur l’environnement du 20 au 22 juin 2012 : les Nations s’apprêtent à signer en totale inconscience les « Accords de Munich » comme en 1938, sans voir que nous sommes à la veille de l’effondrement !Le développement durable, c’est le problème, pas la solution.
Cette cinquième conférence internationale sur l’environnement sera la dernière : nous ne serons plus là pour vivre la suivante, prévue en 2022 car dans les 10 années qui viennent s’accélèrera la PHASE FINALE DE L’AGONIE TERMINALE et la plupart d’entre nous ne survivront pas à l’écroulement des sociétés industrielles, qu’il s’agisse des vieilles comme en Europe, ou des neuves comme au Brésil, en Inde ou en Chine, ces pays immergés dans la ridicule imitation servile et aveugle du faux modèle qu’est le mode de vie occidental.
Le mode de vie dont se targuent les "races supérieures" qui se croient "la civilisation" par excellence depuis 1756 (Mirabeau cité par Françoise Dufour) est écologiquement impossible et humainement un échec car il ne mène même pas au bonheur. La vie moderne n'est que régrès et mal-être (hausse des suicides, hausse de l'usage de substances psychotropes légales ou illégales, hausse des troubles psychiatriques). Les "races inférieures" jadis nommées "sauvages" sont depuis la fin des années quarante qualifiées de "sous-développées" tandis que les "races supérieures" se disent "développées". Les civilisés font miroiter aux yeux du reste du monde leur prétendu merveilleux mode de vie, ils décident de ce qu'est la mesure du "niveau de vie" et distribuent les bons points aux meilleurs élèves, ceux qui sortent plus vite de la "sauvagerie" seront récompensés par l'appellation flatteuse de "pays émergents", les autres, les perdants de la course au "développement" ont encore la tête sous l'eau, ils n'émergent pas. Ils sont immergés : on parlera de "pays les moins avancés". Toujours le même racisme. Rien de changé depuis les temps coloniaux. L'Occident fixe les règles du jeu. Un jeu qui s'appelle "le développement" depuis la Résolution 198-3 de l'O.N.U. le 4 décembre 1948. Il fallait après la guerre trouver une expression plus élégante que « pays arriérés » encore très utilisée. Le Président Truman choisira les mots « pays développés » et «pays sous-développés » dans son discours du 20 janvier 1949 en précisant : « Plus de la moitié de la population du monde vit dans des conditions proches de la misère […] ; sa vie économique est primitive et stagnante ».Puis on remplacera « pays sous-développés » par « pays en voie de développement » sans même saisir l’outrecuidance extraordinaire de cette dernière expression : ces pays n’ont même pas le droit de décider en toute liberté de leur avenir, l’Occident définit d’emblée leur destin, c’est le développement ou rien ! Pas question d’envisager par exemple la stabilité, ou de trouver en eux-mêmes, en étant fiers de leur propre histoire, leur propre culture, les clés de la vie épanouie et agréable, sans tenir compte de ce qui se fait ailleurs, par exemple en Europe ! Et ce développement obligatoire, en plus, les occidentaux veulent désormais le faire « durer », le rendre « durable » pour reprendre le pire mot choisi par certains pour traduire « sustainable », alors que la seule urgence, au vu de la dégradation accélérée des équilibres écologiques est d'arrêter le développement. Il est absolument insoutenable. Il ne faut pas simplement changer de "mode de développement", il faut carrément se débarrasser du développement, donc surtout pas le rendre "durable". Les races supérieures, les civilisés, les développés doivent cesser d'inculquer au reste du monde leur mode de vie suicidaire qui nous précipite tout droit dans le mur des échéances écologiques, le mur de l'épuisement des ressources non renouvelables liquides, gazeuses ou minérales, le mur de létalité des pollutions de l'air, de l'eau, de l'alimentation, les plus graves étant la pollution radioactive et celle conduisant au réchauffement du climat et à l'acidification des océans. Il faut cesser de croire à notre supériorité, arrêter de croire que nous sommes "en avance", arrêter de définir nous-mêmes le sens de l'histoire, de pratiquer le « vol de l'histoire » pour reprendre le titre de l'ouvrage de Jack Goody (Gallimard 2010).
Le vers était déjà dans le fruit lorsque le monothéisme nous a gonflé d'orgueil à la fois vis à vis des "païens" et à la fois vis à vis des habitants non-humains de cette planète. Et nous continuons à occuper tout l'espace en détruisant tous les écosystèmes au point d'être coupable de la Sixième extinction massive des espèces animales et végétales. Nous ravageons la biodiversité. La masse des humains et de leur bétail pèse déjà 90% du poids des 5000 autres espèces de mammifères de cette planète ! Les 2000 biologistes qui étaient réunis à l'Unesco en septembre 1968 pour tirer la sonnette d'alarme sur la situation dramatique de la biosphère, disaient déjà tout cela il y a 44 ans. Les mathématiciens du M.I.T., à la demande du Club de Rome, démontreront début mars 1972 que si l'Occident continue sur sa lancée et incite les peuples du Tiers-Monde à faire de même, tout s'écroulera de façon catastrophique vers 2030. Début 2012, lors de la commémoration des 40 ans de ce Rapport au Club de Rome au Smithsonian Institute à Washington, son principal auteur, Dennis Meadows, a été encore plus pessimiste. Au vu des réactions insuffisantes, non proportionnées à la gravité des faits tout au long de ces 40 années, notamment l'échec des 4 Sommets de l'Environnement : Stockholm 1972, Nairobi 1982, Rio 1992, Johannesburg 2002, ce n'est pas en 2030 que le monde s'écroulera, mais plus tôt : vers 2020.
A la veille du 5e Sommet de l'Environnement, on ne peut que constater la tragique stagnation de la situation : fin mai 2012 l'ambassadeur de l'Inde disait à la sénatrice française Laurence Rossignol, coordinatrice du rapport d'information du Sénat "Rio + 20" (www.senat.fr) qu'il fallait que l'Occident arrête de vouloir brider la vitesse de développement des pays tels que l'Inde, la Chine ou le Brésil, car ces pays ne sont encore qu'en phase de rattrapage. Il ne fallait pas utiliser l'argument de l'environnement pour handicaper leur développement : « Laissez-nous d'abord atteindre votre niveau de vie, et ensuite, une fois l'égalité atteinte et que vous nous accueillerez au sein des Grandes Puissances, nous pourrons discuter des moyens de traiter des problèmes d'environnement ».Tragique stagnation car les représentants des pays du Tiers-Monde disaient exactement la même chose à Stockholm en 1972 aux européens et c'est alors que les occidentaux décidèrent de satisfaire le tropisme mimétique des jeunes nations décolonisées converties « à haute et intelligible voix à la suprématie des valeurs blanches » (Frantz Fanon), en accolant le mot "développement" dans le vocabulaire censé traiter des problèmes d'environnement. On parlera de "développement écologique" (écodéveloppement, Ignacy Sachs) puis à partir de l'idée de I.U.C.N. et de W.W.F. en 1980, de "sustainable development", du vieux français (1346) "soustenable" qualifiant alors la bonne gestion de la forêt pour ne pas en entamer le capital (ordonnance de Brunoy du roi Philippe VI de Valois). Tragique stagnation car tant qu'on continuera à psalmodier comme dans un mantra "développement, développement, développement", par exemple cette "recommandation 3" parmi les 16 de la Commission sénatoriale Rio + 20 parlant du « droit au même niveau de développement pour tous » on continuera à nager dans la plus inepte des illusions. Nous avons déjà en termes d'empreinte écologique dépassé les capacités biophysiques de la biosphère depuis 1983 (Meadows 2012 p.20). Déjà les nations les plus follement consuméristes comme l'Europe de l'ouest et les U.S.A. Devraient fortement réduire leur niveau de vie. Il est mathématiquement impossible que le reste du monde se mette à vivre ne serait-ce que selon le standard du mode de vie français : il nous faudrait alors 6 planètes ! Voilà 40 ans que nous perdons un temps précieux. Dès 1972 il aurait fallu casser le mythe du "développement" et dire à Stockholm que l'Occident non seulement s'excusait d'avoir pratiqué la colonisation, mais qu'en plus cet Occident gonflé d'orgueil devait faire acte de contrition et avouer que son idéal de vie était un non-sens, que son prétendu "progrès" était un régrès, et que donc il demandait aux peuples du Tiers-Monde de détourner leur regard du dit modèle occidental, lequel est à défaire, n'étant qu'une monumentale erreur, et de se ressourcer auprès de leurs propres traditions pour retrouver les chemins de la dignité et de l'épanouissement. Plus qu'un génocide (le quart de l'humanité d'alors en 1500 presque totalement exterminé aux Amériques), la colonisation a généré un véritable ethnocide à travers la prétendue "œuvre civilisatrice" censée être "le devoir des races supérieures"(Jules Ferry). Apporter la civilisation, le développement, c'est introduire le complexe d'infériorité, c'est infantiliser des peuples qui étaient jadis adultes et autonomes.
Dès 1972 il aurait fallu au regard des conclusions des travaux des écologues démontrant le résultat déjà dramatique du "pillage de la planète"(F. Osborn, R. Heim, J. Dorst, R. Carson, B. Commoner, R. Dubos), faire la promotion de l'ENVELOPPEMENT en lieu et place du DEVELOPPEMENT et inverser les critères de valeur en saluant l'art de vivre écologiquement des SYLVILISATIONS et en dénonçant la démesure (hubris) suicidaire et l'orgueil raciste hallucinant de la CIVILISATION. L'enveloppement, c'est l'art de vivre en se glissant discrètement dans les écosystèmes, de façon àlaisser une place confortable aux autres espèces animales et végétales. L'enveloppement, c'est ce mode de vie modeste qui laisse toute la biodiversité s'épanouir en symbiose avec l'espèce humaine. C'est un peu le "Buen Vivir" issu de la vision quechua de l'harmonie qui a été récemment intégrée à la constitution de l'Équateur. Au contraire du développement qui n'est que l'étalement monodirectionnel et anthropocentrique qui repousse jusqu'aux dernières extrémités la vie sauvage, l'enveloppement est une figure repliée (et non dépliée, déployée, étalée) pluridirectionnelle et biocentrique qui multiplie les entrelacements et les circonvolutions, ce qui permet une profusion d'interfaces et de points de contacts, une densité d'échanges pour une vie sobre, frugale, débarrassée du superflu, où les mots "riches" et"pauvres" n'ont plus de sens, pas plus que l'obsession chez nous trimillénaire de "puissance", mais où la convivialité et la tranquille plénitude atteint des sommets. Le développement mutilait la personne humaine en ne valorisant que la sèche et froide raison. L'enveloppement rétabli l'être humain en sa complétude bigarrée et baroque, (Michel Maffesoli), épanouissant tous les sens, laissant s'exprimer les émotions, tempérant la raison par le modeste raisonnable, bref ce qu'on appelle la sagesse, qui, en principe, défini "Homo sapiens sapiens" ! L'homme biocentrique remet les pieds (nus) sur terre et retrouve l'humus, donc l'humilité.
Décoloniser notre imaginaire, changer de paradigme n'est pas un vain mot. Comme l'a répété Dennis Meadows le 24 mai 2012 à Paris, "it's too late for sustainable development". On a été trop loin, les dégâts sont déjà trop importants, on ne peut plus jouer naïvement avec cet oxymore ménageant diplomatiquement la chèvre et le chou. Au point où en sont les choses, à moins de 8 années de la date fatidique, il ne faut pas se contenter de réformettes ! Il faut révolutionner, bousculer sans ménagement nos préjugés. Trop tard pour la TRANSITION en douceur. Il faut basculer. Vite ! A quelques jours de "Rio + 20", il serait totalement contre productif d'en être encore à disserter benoîtement sur le "développement durable".
La demi-journée de réflexion aux Diaconesses à Paris 12e le 9 juin est dominée hélas par les économistes. Mais où sont passés les biologistes, si actifs au début des années 70 ? Les économistes ont vite fait de ne voir qu'une "crise", encore une, là où il s'agit pour la première fois du choc frontal d'ordre géologique entre une civilisation occidentale entrain de contaminer dans sa toxico-dépendance au consumérisme le reste du monde au préalable décérébré par la publicité et le bourrage de crâne développementiste et une fragile pellicule de vie mortellement atteinte par cette mégamachine folle, coincée dans son auto-accélération. La mégalomanie occidentale, que ce soit dans sa version capitaliste ou sa version socialiste, nous précipite vers l'implosion (P. Thuillier, D. Jensen). Nous ne serons jamais 9 milliards en 2050 ! (P. Chefurka, H. Stoeckel, C. Clugston). Des famines dantesques auront lieu, bien avant, accompagnées de guerres civiles, d'épidémies, d'émeutes et des raidissements fondamentalistes qui vont avec. Illusion de revanche des peuples humiliés lors de la Guerre de l'Opium et de la colonisation. Tout cela dans une ambiance de folie guerrière avec des États ne comptant plus que sur leur puissance militaire et leur capacité cynique à anéantir les émeutes : la Chine s'apprête à doubler son budget militaire ces 3 prochaines années après avoir augmenté ses dépenses militaires de 189% de 2000 à 2010, la Russie de 82% comme les U.S.A. (P. Larrouturou). Dans cette phase finale d'agonie des sociétés industrielles, nous laissons encore stupidement les publicitaires faire œuvre de crétinisation des masses, et les riches jouer à leur concurrence juste pour leur plaisir infantile de la frime ostentatoire : en jeter plein la vue, plaisir pervers, pathologique, de rendre jaloux, parader comme des gamins et se donner en spectacle aux ethnocidés des villes qui croient que le bonheur, c'est l'enrichissement. Syndrome mimétique !
La justice, ce n'est pas l'égalité au sens "tout le monde riche", c'est l'égalité dans la vie modeste et rurale, moins de biens, plus de liens, la fin des hiérarchies sociales par la multiplication des autarcies locales en revalorisant les savoir-faire artisanaux et locaux, héritage de l'ethnodiversité qui fait la valeur du patrimoine immatériel de l'humanité que l'Unesco a raison de promouvoir en défendant le pluriel des langues et des cultures, notamment les droits des peuples autochtones reconnus enfin par l'O.N.U. en 2003. Cette justice, cette égalité passe par l'éclosion des autogouvernements de petite taille, seule possibilité d'amortir en souplesse (résilience) les effets de l'effondrement des sociétés complexes (J. Tainter) prétendues modernes et civilisées. Et le tout avec des moyens très économes en énergie et ressources minières, des moyens basés sur tout ce qui pousse et donc se renouvelle naturellement du seul fait de la captation de l'énergie des rayons du soleil. Bref une vie juste ne peut qu'être une vie à très faible empreinte écologique, la seule dont le niveau est égalitairement partageable entre tous les habitants humains et non humains de cette planète. Or sur notre planète à taille finie, l'espace bio-productif utilisable est de 12 milliards d'hectares, soit actuellement 1,8 ha par personne, mais en termes d'empreinte écologique, cette surface maximum est déjà largement dépassée : 9,6 ha par habitant des U.S.A., 7,2 au Canada, 5,3 en France, 3,8 en Italie. Mais 0,8 en Inde et 0,5 à Haïti (S. Latouche 2012).
Quelles décisions in extrémis ?La rupture radicale pour orienter les sociétés vers l'abandon du rêve occidental de puissance, rêve déjà en place dans les premiers empires en Chine, en Perse et en Égypte, ne pourrait résulter que d'un virage brutal et immédiat au vu du peu de temps qui nous reste avant l'effondrement : demain tous les publicitaires sont en prison, et tout ce qui distrait et divertit, interdit. Les mass-médias se consacrent uniquement à tétaniser les masses jadis abruties pour les désintoxiquer du rêve stupide du consumérisme. Plus rien vient de loin. Arrêt immédiat de tout véhicule, bateau ou avion à moteur thermique. Interdiction des toitures non productrices d'énergie pour fournir en électricité tous les habitants vivants en dessous ou à côté. Interdiction des toitures non cultivables en petit maraichage sur terrasses : il faut déminéraliser le paysage urbain en le revégétalisant. Confiscation immédiate de tous les biens des riches pour financer le retour à une vie besogneuse et décente tous les misérables (dotation conditionnelle d'autonomie) et pour financer le remplacement desuite du nucléaire par les énergies renouvelables et miniaturisables, y compris la remise à l'honneur de l'énergie musculaire animale et humaine. Tout cela bien-sûr sans envisager de faire la même chose, la même gabegie énergivore mais dans un contexte de simplicité démocratiquement décidée. Arrêt de l'usage des énergies fossiles jusqu'au retour à la concentration préindustrielle des gaz à effet de serre...
Mais Bertrand Meheust explique bien dans "Politique de l'oxymore" et "Nostalgie de l'Occupation" pourquoi on ne prend pas le chemin de ce virage pourtant absolument indispensable au plus vite pour éviter des centaines de millions de morts. Si nous sommes effectivement tous dans un gigantesque Titanic condamné au naufrage : ne faut-il pas avant tout imaginer comment échapper à la noyade et mettre les chaloupes à la mer ? Organisons-nous maintenant en multiples groupes sécessionnistes pour basculer dans une vie totalement nouvelle et jouissive, avec nos enfants formés dès aujourd'hui aux métiers d'avenir : la vannerie, la poterie, le maraichage, la traction animale et les petites manufactures municipales de recyclage des métaux pour fabriquer des vélos...
C'est cela ou le "collapse"... l'effondrement sanglant qui nous feront regretter les deux "petites" guerres mondiales du XXe siècle.
Thierry Sallantin , juin 2012
Contact : blancimarron@gmail.commilitant écolo depuis 1967, présent à l'Unesco en septembre 1968 lors du premier congrès mondial sur la situation de la Biosphère; lauréat du Concours Général de géographie en 1970; boursier Zellidja 1971 (Niger), puis ethnologue amazoniste...Ce texte est retrouvable dans une version un peu plus courte et une bibliographie moins complète sur la Toile, par exemple sur le site de "Netoyens" à la rubrique "réfléchir" sous le titre : "Le développement durable, c'est le problème, pas la solution."
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*Comment traduire "sustainable development" ?*
J'habite à côté de la forêt de Brunoy, un peu au sud de Villeneuve Saint Georges, cette forêt de Brunoy que le roi Philippe VI de Valois voulait protéger et bien gérer par *son ordonnance de 1346*, celle-là même qui est à l'origine du concept créé en 1980 par les deux organisations internationales de protection de la nature IUCN et WWF :*sustainable development*
car ces deux organisations cherchaient alors une expression un peu langue de bois, un peu contradictoire et hypocrite pour dire "tout et son contraire" : à la fois protéger et détruire la nature, à la fois favoriser l'économie tout en favorisant aussi l'écologie, hypocrisie volontaire pour plaire à tout le monde, se fâcher avec personne, ce qui est le principe des expressions diplomatiques. En clair il fallait rassurer les pays du Tiers-Monde, en colère depuis le première conférence de l'ONU sur l'environnement, en 1972 à Stockholm, car ils ne voulaient pas qu'on les bride dans leur espoir de se "développer" au nom des mesures de protection de l'environnement. D'où le stratagème alors choisit : caresser les Etats et le monde des entreprises dans le sens du poil en fabriquant pour leur plaire une expression qui contient leur mot-fétiche : "développement"...et y accoler un qualificatif évoquant les impératifs écologiques de la gestion prudente pour maintenir l'harmonie au sein des écosystèmes...
Petite histoire du mot anglais "sustainable",dont on remarquera les deux "s" = sus. Il vient du vieux français utilisé dans ce texte de 1346 = sous tenable, soustenir, avec deux "s", et en français actuel, un seul "s" = soutenir, soutenable, soutenabilité (sustainability). Le roi demandait à ses fonctionnaires appelés "Maîtres des forêts" de bien gérer (to manage = ménager, prendre soin) la forêt de Brunoy en établissant les quotas de coupes de bois = ne pas couper trop, pour ne pas entamer le capital de bois, laisser le temps à la forêt de repousser. Cette bonne gestion, prudente et écologique permet de respecter la capacité naturelle de renouvelabilité de la ressource en bois pour tenir compte des besoins des générations suivantes. Ainsi la forêt existera toujours, elle pourra se "soustenir", soutenir perpétuellement, pour le bienfait des générations futures. Une bonne gestion est une gestion soutenable.
Le mot "sous-tenir" signifie à l'origine "tenir par en dessous", en prenant la précaution de se placer exactement en dessous, pour avoir la charge à porter, tenir, bien équilibrée au centre de gravité. Même sens pour "supporter", porter par en dessous.
Donc dès le début ce mot fait appel à une notion d'équilibre. D'où le sens actuel de "précaution écologique", d'équilibre écologique...
Le 24 mai, conférence en anglais de Dennis Meadows à Paris. C'est lui qui nous a raconté comment à 27 ans en 1972 il avait participé à la rédaction du fameux rapport au Club de Rome que j'avais lu avec la passion de mes 19 ans à l'époque;sur internet en tapant sur google : "le club de rome confirme la date de la catastrophe" et aussi = "Is it too late for sustainable development" on découvre les propos de Dennis Meadows tenus à Washington au Smithsonian Institution le premier mars 2012, à l'occasion du 40e anniversaire de ce fameux rapport = "The limits to Growth". J’ai pu rencontrer Dennis Meadows juste après cette conférence, on a sympathisé, il m'a donné son adresse. Il a expliqué à cette conférence pourquoi il était hélas désormais trop tard pour lancer le "sustainable development", car de toute façon cette expression est contradictoire : il a expliqué que le développement ne peut pas être soutenable. Il a précisé que pour lui l'expression "sustainable development" est un oxymore, ce que nous étions quelques uns, avec Serge Latouche (par exemple dans la revue "Tiers-Monde n° 100) à dire dès la fin des années 1980...Seule la stabilité est soutenable, pas ce qui se développe, croît, augmente, gonfle, grossit. Donc il faut d'abord arrêter le développement. Et ensuite inventer des modes de vie qui gaspillent moins : des modes de vie soutenables, à faible empreinte écologique. Juste ce qu'il faut pour vivre, avec sagesse et simplicité, ce qui est aussi le sens du mot français "se sustenter", repris par la langue espagnole pour traduire "sustainable". Les portugais aussi ont choisi de ne pas dire « durable ».
Personnellement, je remplace "développement" par "enveloppement". Cette idée commence à se répandre : Edgar Morin et Michel Maffesoli l'utilisent. Toute cette histoire pour dire que la bonne traduction de "sustainable", c'est "soutenable" : ne jamais dire pour traduire ce mot : "durable", adjectif qui plaira au monde des affaires, troublé par le succès médiatique du Sommet de Rio en 1992, bombe qu'ils cherchèrent alors à désamorcer en rédigeant "l'Appel de Heidelberg" la veille du début de la Conférence internationale à Rio. C'est pour cela aussi que début juin 1992 les deuxhommes d'affaire Maurice Strong et Stephen Schmidheiny créèrent le Business Council of Sustainable Development, et depuis ce club des plus grosses multinationales aide les plus gros pollueurs à se faire pardonner leurs crimes environnementaux. Maurice Strong, pdg de sociétés canadiennes œuvrant dans l'hydroélectricité et le pétrole est aussi depuis 1972 le Secrétaire Général nommé par l'ONU pour coordonner toutes les conférences internationales sur l'environnement. Il a été remplacé à ce poste fin 2010 par le français Brice Lalonde. C'est lui qui a créé en 1983 dans le cadre de l'ONU la commission "Environnement et Développement", et c'est à ce moment là que les milieux d'affaire ont trouvé que l'astuce sémantique créée par IUCN et WWF trois années avant : "sustainable development", était une bonne expression pour réintroduire les priorités économiques dans ces discussions sur l'environnement. Maurice Strong placera à la tête de cette commission l'ancienne ministre de la Norvège Gro Harlem Brundtland, et c'est par son rapport de 1987 "Notre avenir à tous" qu'elle rendra célèbre l'expression "sustainable development". Quant à Stephen Schmidheiny, président du plus grand groupe mondial spécialisé dans l'amiante, il a été condamné en février 2012 à Turin à 16 ans de prison au grand procès italien des victimes de ce minerai aux fibres cancérigènes. Préférer "durable" à "soutenable est normal dans la logique managériale car pour ceux qui se soucient avant tout de leurs bénéfices et vivent rivés au seul court terme, ce qui doit durer, c'est la machine économique, elle doit continuer à se développer le plus longtemps possible, pour que la compétitivité des entreprises soit durable. Les francophones qui cherchent d'abord des bénéfices durables utilisent désormais le qualificatif "durable" à toutes les sauces, car il est devenu un vocable indispensable pour faire du "green-washing", une simple astuce dans les politiques de communication, une coloration verte à la mode, l'art de se faire passer pour "écolo" tout en faisant tout pour maintenir la rentabilité des investissements, de façon "durable".Le qualificatif "soutenable" fait moins penser à la durée car il tient compte des impératifs d'équilibre écologique pour que la pérennisation puisse se dérouler en toute harmonie. Et ces impératifs sont complexes, multi-factoriels, plein de boucles de rétro-action. Faire seulement "durer", c'est bien plus simple (et simpliste !) : juste continuer sur le seul axe du temps. Rien changer pour continuer à faire des affaires. Coûte que coûte, durer, et faire taire ces "écolos" qui osent demander aux tribunaux de faire payer les pollueurs...
Dire "durable", c'est faire injure à la langue anglaise qui possède le mot "durable" dans sa langue et ne l'a pas choisi, préférant "sustainable", qui a une longue tradition d'usage dans le vocabulaire anglais pour traiter des sciences de la gestion des forêts. De plus lors de la première parution en langue française du Rapport Brundtland "Notre avenir à tous", éditions du Fleuve, Québec, en 1988, c'est bien le mot "soutenable" qui avait été choisi.C'est faire aussi injure à l'origine française, attestée dans ce texte ci-dessous de 1346, du mot "sustainable" (soutenable, soutenir, soutenabilité)Voici le texte d'origine :
*Ordonnance de Brunoy, roi Philippe VI de Valois, 1346*
*"Les Maîtres des forêts enquerreront et visiteront toutes les forêts et bois qui y sont et ferons les ventes qui y sont à faire, eu regard à ce que les-dîtes forêts et bois se puissent perpétuellement soustenir en bon état."*
Thierry Sallantin
Contact : blancimarron@gmail.com
Lauréat du Concours général de géographie, boursier Zellidja (Niger, Azaouak, Touareg), ancien élève de Pierre Aguesse en écologie puis de Robert Jaulin et Pierre Clastres en ethnologie. Ethnologue amazoniste…
mardi 19 juin 2012
Conférence internationale de Rio, sur l’environnement du 20 au 22 juin 2012
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